Ghislain Printant

En guise de prélude pour les fêtes de fin d’année, nous sommes allés rencontrer une personne qui a offert aux Turchini un de ces derniers jolis cadeaux… Non ce n’est pas Saint Nicolas, ni même le père Noël, mais une personne chaleureuse et touchante, un entraîneur qui aura marqué le Sporting et que le Sporting aura marqué également : Ghislain Printant !

A 55 ans, l’Héraultais a bien voulu répondre à nos questions, en toute franchise et toute humilité il est revenu sur son parcours et nous a livré son sentiment sur le Sporting. Bienvenue dans « Turchinu per l’Eternu », partie 3.

 

Spiritu-Turchinu : Tout d'abord, que devenez-vous ?

Ghislain Printant : Qu’est-ce que je deviens ? Eh bien je suis un entraîneur malheureusement sans emploi ! Le terrain me manque, donc à partir du vendredi, j’essaie de suivre un maximum de rencontres, que ça soit à la télévision ou sur les terrains directement. Je vais voir des matches de National, Ligue 2 et Ligue 1. Vu que j’habite à quelques kilomètres de Montpellier, on me voit régulièrement à La Mosson, mais j’ai aussi eu l’occasion d’aller à Nice, à Marseille, à Toulouse ou encore à Angers... J’essaie de tourner au maximum pour rester connecté, je souhaite voir un éventail de joueurs important, de garder contact avec le monde professionnel et puis de voir les aspects tactiques des entraîneurs ! Après les semaines sont un peu longues, alors quand il y a des matches en semaine, ça me plait bien moi !

 

ST : Revenons un peu sur votre parcours plutôt atypique, comme Arrigo Sacchi, vous n’avez pas été joueur professionnel et vous êtes devenu entraineur très jeune. Est-ce que c’est ce genre de personne qui vous a donné envie d’entraîner ?

GP : J’ai su assez vite que je n’allais pas être professionnel, j’ai donc passé mes premiers diplômes d’entraîneur tôt. La qualité première d’un entraîneur est d’être à l’écoute, donc j’essayais d’être une éponge pour prendre toutes les choses intéressantes, en discutant avec les joueurs, je leur demandais : « comment il faisait ton coach quand tu étais au PSG ? » etc. D’ailleurs je suis toujours comme ça, toujours en train d’apprendre ! Ce n’est pas pour faire une propagande, c’est bien d’avoir un vécu pro avant d’être coach, mais il y a quelque chose d’enrichissant quand on sort du schéma habituel, après ça reste l’amour d’échanger et la passion qui te donne le désir de servir le football. J’avais déjà cette fibre éducatrice, le fait de ne pas avoir été pro m’a quelque part amené à prouver plus que les autres, mais ce qu’on ne peut pas m’enlever c’est la passion ! Parce que bon, sans faire injure à personne, tu as certains joueurs pro en fin de carrière qui se retrouvent catapultés entraîneur, parce qu’ils ne savent pas faire autre chose, un peu par dépit. Alors que je ne vois pas ce métier comme ça. Le rôle de l’entraîneur c’est de donner l’envie aux gens, le besoin d’inculquer et d’apprendre des choses à ses joueurs ! Arrigo Sacchi a fait partie des entraîneurs références, en plus j’ai commencé en 1989 à l’époque où Sacchi construisait son grand Milan, ça coïncidait ! Malheureusement à l’époque, on n’avait pas suffisamment d’outils nous permettant de disséquer les tactiques et les inspirations des entraîneurs, mais je suivais de prêt ce qu’il faisait, ça reste un de mes repères dans ce travail. Ce qu’il est arrivé à imposer dans un grand club, et qu’il avait mis en place dans des clubs amateurs auparavant, c’est extrêmement difficile à faire ! Et je ne parle pas de schéma tactique ici, mais de rigueur et de discipline. Moi c’est quelque chose dans lequel je me suis retrouvé, car je vois le football comme ça. D’ailleurs cette mentalité qu’il voulait voir chez ses joueurs, ça colle un peu aux vertus du Sporting !

 

ST : Montpellier est votre club de cœur, celui avec lequel vous avez commencé à entraîner en section jeune, d'ailleurs votre fils suit un peu vos traces puisqu'il est gardien là-bas ?

GP : Il est au centre de Formation du MHSC oui, il est en fin de contrat aspirant cette année, il a fait toutes ces classes là-bas, on verra la suite… Mais ce qu’il y a de plus important c’est le bac en fin d’année, ça c’est la priorité ! Pour lui c’était difficile, il m’a accompagné très jeune, dès 3 ans il assistait aux décrassages et aux séances d’entraînement. Dès qu’il le peut, il m’accompagne. On est allé voir Saint-Etienne-Nice dernièrement et il m’a rejoint à Schalke, car je voulais voir comment travaillait ce club, regarder leurs installations et puis pour assister au derby Dortmund-Schalke. Il baigne là-dedans, on verra bien ce que l’avenir fera de lui, mais je ne serais pas surpris qu’il se retrouve un jour à entraîner car il a aussi la fibre éducatrice !

 

ST : Retournons à vos débuts à Bastia, avant de remplacer Makelele, vous avez fait un super parcours avec les jeunes à Bastia, lequel d'entre eux vous avait le plus impressionné ?

GP : Je ne voudrais pas vexer tous les garçons que j’ai pu avoir, mais j’avais un joueur qui était pétri de qualités footballistiques, c’était Joseph Barbato. Malheureusement il manquait quelque chose qui ne lui a pas permis de continuer dans le monde professionnel… Il faut un tout pour percer dans ce milieu. Après parmi les jeunes, il y avait aussi François Kamano, même si au final il a été très peu utilisé en formation, vu qu’il a vite évolué avec le groupe pro. C’est un garçon qui était extrêmement intéressant. Ensuite, la grande satisfaction c’est Alexander Djiku, car il a gravi les échelons les uns après les autres, il est d’une grande patience et très à l’écoute. Il est arrivé à Bastia en provenance de Perpignan en amateur, il a franchi tous les paliers possibles, c’est une grande fierté.

J’ai pris beaucoup de plaisir avec la génération 95-96 en faisant un super parcours en Gambardella (première fois que Bastia atteignait les ¼ de finale de la coupe Gambardella de son histoire, ndlr). C’était une belle aventure, avec des gamins super. On avait fait un beau tournoi à Eindhoven aussi, où on avait été confronté à ce qui se faisait de mieux en Europe ! Donc de très bons souvenirs à la tête de la formation du Sporting Club de Bastia.

 

ST : Du coup après cette superbe expérience avec les jeunes, vous vous retrouvez chez les pros, au départ de l'aventure, on vous sentait très distant de ce monde. Au final maintenant que vous y avez goûté, vous ne pouvez plus vous en passer, vous souhaitez continuer à entrainer dans le monde professionnel ?

GP : Toute ma vie, j’ai dû prouver, donc je veux encore me prouver à moi-même que je suis parfaitement capable d’être coach pro. Après, il ne faut jamais dire jamais, en ce moment je suis sans emploi et bon, même si mon idée première est de diriger un groupe pro, rien ne dit qu’un projet de formation ne serait pas refusé si je le trouve intéressant. Après les réalités sont différentes, les échéances sont courtes, il faut faire faire des résultats de suite, ça reste donc aléatoire et compliqué au jour le jour, comparé à la formation par exemple car c’est un formidable laboratoire, vous pouvez tester tout ce que vous voulez. Chez les pros, il n’y a que les résultats qui comptent…

En toute honnêteté, je voulais prendre les rênes d’un club pro après avoir fait 3-4 ans de plus à la formation. Être à la tête d’une équipe une en National, Ligue 2 ou Ligue 1 trottait un peu dans ma tête. Par le passé j’ai été adjoint, à la tête de la formation… Il ne manquait plus qu’un poste d’entraîneur d’une équipe professionnelle pour terminer ! Tout ce que j’avais pu emmagasiner pendant ces années, je voulais le transmettre par un projet comme celui-ci. Et puis s’est présenté ce que je n’avais pas cherché : l’opportunité de le faire avec le Sporting, et à partir de là, il était difficile pour moi de faire marche arrière. Je me voyais mal reprendre la formation après ces évènements. Et puis prendre la place de ceux qui m’avaient remplacé à la formation de Bastia était impossible, j’avais trop de respect pour eux, je me voyais mal dire : « bon j’étais avec les pros mais maintenant, laissez-moi la place à la formation ».

 

ST : Même si c'est encore assez récent, les supporters du Sporting gardent une superbe image de vous, notamment pour avoir amené les Turchini au Stade de France. Quel souvenir en gardez-vous ?

GP : C’est malheureux de dire que ce sont des souvenirs, car j’aimerais que cela soit encore d’actualité ! Je n’en garde que du positif, le Sporting reste une place forte du football français. J’ai été heureux, que nous puissions amener ce club et ce peuple au Stade de France. C’était bien plus qu’une aventure footballistique, c’était une aventure humaine et c’est ça qui m’a marqué… Je le garde au fond de moi (il est très ému, ndlr). Ce qu’on a pu vivre tous ensemble était fabuleux, ce quart de finale, cette demi-finale à Monaco qui a été énorme…

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ST : D’ailleurs votre discours avant le match de Monaco était superbe !

GP : Ça ne reste qu’un discours, j’ai dit les choses comme je le ressentais, je ne triche pas, je suis nature. J’espérais qu’on puisse aller au bout de notre rêve et franchement ce sont des moments forts comme ça qui comptent dans une vie. Cette demi-finale à Monaco et tout ce peuple bleu au Stade de France, ce sont des images qu’on ne pourra pas m’enlever, elles resteront gravées en moi pour toujours.

 

ST : En disant que vous parlez de manière franche, on se rappelle malheureusement des actes de Thiriez avant la finale, mais aussi de votre discours après le match où pour la première fois un entraîneur d’un club pro demandait la tête du président de la ligue. Mentalement est-ce que vous saviez que ça allait être aussi usant ?

GP : Je savais que c’était usant, j’ai accompagné pas mal d’entraineurs dans des situations difficiles mais aussi euphoriques, je savais et sais tout ce que ça peut entrainer ! Après ma sortie médiatique… J’en ai voulu au président Thiriez, d’ailleurs quelque temps après il a reconnu avoir commis une erreur ce jour-là… J’ai ressenti une honte pour notre football, ne pas venir, alors que c’était une des rares fois où j’ai pu voir le président de Bastia en costume, se faisant une joie et une fierté de présenter ses joueurs, les représentants du Sporting et de la Corse, eux qui ont donné une image exemplaire tout au long de ce parcours, c’était un manque de respect. Même si ce monde est dans le politiquement correct, je ne pouvais pas laisser passer ça. C’était blessant et puis psychologiquement très dur car, ce qu’on oublie souvent, ce sont les échéances derrière, on jouait le maintien en parallèle, donc il fallait rester concentré. J’avais le match de championnat dans ma tête pour la survie du club… Après avec le recul, je me suis dit que j’ai été un peu excessif, mais je suis comme ça, je ne vais pas faire semblant. Je ne regrette pas mon discours, si ce n’est la vigueur de mon ton, ça aurait été aussi bien si j’avais dit la même chose de manière calme et posée.

 

ST : Vous parliez de ce sentiment de honte pour le football français, de votre côté avez-vous ressenti de l'injustice de la part de l'arbitrage quand vous entrainiez Bastia ?

GP : Mais je le ressens encore ! Même si je vais vous faire une confidence, je n’arrive toujours pas à regarder les matchs du Sporting. Depuis mon départ, j’ai réussi à n’en regarder qu’un seul (SCB-PSG), mais c’était trop dur. Je n’y arrive pas encore, mais je lis, je regarde les résumés. On n’arbitre pas le Sporting comme les autres clubs, ce n’est pas faire de la parano, c’est bien une réalité. On prend des décisions sur ou en dehors du terrain (par le biais de la commission) qui ne sont pas identiques par rapport aux autres. Et j’en parle en toute objectivité puisque je ne travaille plus pour le Sporting.

 

« C’est pour moi une cicatrice ouverte car le Sporting ne respecte pas ses engagements... »

 

ST : Vous disiez juste avant que vous n’arriviez pas encore à regarder le Sporting, c’est encore trop frais ? Trop d’émotion ?

GP : Oui, j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour que notre séparation se passe au mieux, et je dirais que, en toute honnêteté, j’ai tout fait pour arranger le Sporting. Aujourd’hui c’est pour moi une cicatrice ouverte car le Sporting ne respecte pas ses engagements… Malheureusement on va être obligé de se retrouver dans un autre domaine… et ça me déplait, j’ai tout essayé pour éviter cela. Mais quand on m’oublie complétement et qu’on ne me respecte pas… Vous comprenez un peu mieux pourquoi, à l’heure actuelle, il m’est difficile de voir les prestations de Bastia. Et Dieu sait que j’aime le foot, je vois 10 matches par semaine, mais là c’est trop dur.

 

ST : Peut-être dans le futur avec d’autres dirigeants qui sait ?

GP : J’espère ! Le jour où j’aurai retrouvé un emploi déjà, ça sera plus facile. Mais là, je ne vais pas faire semblant. Ce qui est malheureux c’est que je n’ai pas envie de m’attaquer au Sporting Club de Bastia, je veux juste défendre mes droits. Quand on s’est séparé de moi on m’a dit : « avec tout ce que tu as apporté, il n’y aura aucun problème ». Je pensais avoir un minimum de respect.

 

ST : Vous avez au moins tous le respect des supporters du Sporting !

GP : C’est gentil merci !

 

ST : Histoire d’enchainer sur des choses positives, est-ce que vous avez une petite anecdote à nous raconter sur les joueurs, des choses un peu surprenantes qu'ils pouvaient faire ou dire avant ou après les matches ?

GP : Il y a deux choses qui m’ont marqué, la première c’est l’arbre de Noël qu’on avait fait, les joueurs étaient emballés, ils n’avaient qu’une envie c’était de savoir quel joueur allait recevoir son cadeau, car ils étaient tirés au sort. C’était rafraichissant, on voyait qu’on avait à faire à des enfants (rire).

La seconde, c’était pendant le stage de présaison, quand on était allé marcher dans le Niolu. Le soir on avait fait une soirée où les joueurs avaient chanté et joué de la guitare, accompagnés par un groupe corse. Entre les paysages qu’on avait vu dans la journée et cette soirée dans la bergerie, c’étaient vraiment des bons moments.

 

ST : Pour finir je voudrais avoir votre vision de ce qu'est devenu le football professionnel ?

GP : C’est devenu un football à haut risque, il y a tellement d’enjeux financiers que cela engendre beaucoup de frilosité de la part des dirigeants de clubs. Au plus ça va, au plus les entraîneurs ont du mal à durer. A l’heure actuelle, le football français a en plus beaucoup de mal à lutter sur le plan financier par rapport à l’Angleterre ou l’Espagne, mais bon tant qu’on travaillera avec la formation, ça pourra équilibrer un peu, c’est notre salut.

Ensuite, il y a quelque chose qui me déplait beaucoup dans le foot professionnel, et notamment en France, c’est qu’on ne puisse plus voir des matches avec les supporters des deux équipes. J’étais à Dortmund pour Dortmund-Schalke, c’était fantastique ! Pourtant ce sont des ennemis, toute la semaine à Schalke j’entendais les supporters parler de ce match, je me disais « ça va être une tuerie » et en fait non, c’était une ambiance superbe, aucun problème, le vrai football… Toute la passion quand ton club se déplace, c’est transcendant ! Quand il y a une opposition entre les joueurs, entre les supporters, c’est galvanisant. Pour le dernier entrainement avant le derby, il y avait 4 000 supporters présents à Schalke ! Le soir, quand on est allé manger avec Bentaleb et Stambouli, ils m’ont dit : « demain c’est la guerre, ils nous font comprendre que ce match-là, il ne faut pas le rater ! »

Je me remémore aussi ce déplacement en demi-finale à Monaco, c’était fabuleux ! Le lendemain quand, avec les joueurs, on est allé accueillir les supporters qui revenaient du bateau, c’était beau ! Le football c’est l’échange, on se retrouve dans ces moments-là, on construit l’histoire d’un club et des souvenirs. Tout le contraire des matches à huis-clos, ça c’est la plus grande injure faite au football !

 

Propos recueillis par Fabien Bastide-Alzueta

 

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